Quelques Extraits...

 

Dessein

 

Je dessine un peuple
Sans barreaux
Au teint d'azur et d'or
Au goût de lait et de dattes brunes     Fourrées de douceur
Et tant pis si son verbe est brut

 

Je dessine un peuple sans barreaux    Pluriel
La démarche nonchalante mais le pas sûr
Un peuple travailleur et bon
Au coeur limpide


Je dessine l'amitié
Sans barreaux Avec
Des fenêtres vers le ciel et des portes
Sur tous les peuples
Je dessine l'amitié sans barreaux
À mes adversaires ouverte


Et tant pis si de mon peuple le geste est indolent
La conduite irascible et le ton capricieux
Les ans les vents les sorts ces temps-ci irrévérencieux
N'ayant point ménagé son allant


Je dessine un pays sans barreaux
Sans larmes ni brouillard ni bâillon
Sans peur ni exaction
Riche de la diversité de ses gens
De ses couleurs de ses ethnies de ses régions
De ses opinions de ses religions
De ses filles affranchies enfin légions
Belles
     De légèreté faite contagion


Je dessine un peuple Un pays
Libres …
     Justes
Leurs dessine une chanson
     Cristalline et solaire
J’y adjoins un printemps
Sans barreaux
Accueillant et divers
     À tous ouvert

 

 

Soupçons


Je soupçonne les fleurs et les papillons de connaître la haine


Je soupçonne les monstres de savoir aimer


Je soupçonne les hommes de n'être totalement bons

 

             Ou totalement mauvais

 

 

 

Impératif


Conjuguer au présent
Divorcer du passé
Retrouver un futur
Rêver au subjonctif
Agir à l'impératif
Composer un verbe
Fleuri et pluriel
Un presque-parfait
En mode indicatif
Y participer en tous temps
Fut-ce en auxiliaire
Et quitte à être du dernier groupe :
       Toujours AIMER
                Sans conditionnel

 


Couple célibataire

 

Elle voulait le bonheur
Seulement lui : voulait le bonheur aussi
Elle disait blanc Quand lui par contre : disait plutôt blanc
Elle voulait avoir raison Toujours
     Lui non plus

 


Horizon

 

- Promets-moi de nous rendre heureux
- …
- …
- … Promets-moi de l’être

 

 

 


Idéologues

 

- Et si l'on s'attelait à reconstruire le monde, hein ?


- Nous devrions commencer par tout défaire …


- Euh, oui !


- On détruirait les bidonvilles, les palais, les plages
personnelles ? …


- Les prisons et les allées marbrées …


- Oui : la haine, les racistes, les scélérats. Les gens
mauvais …


- Les charognards, les crotales, les orties, les cactus
acérés …


- …


- …


- Et même les fleurs ? Dis

 


Manèges

 

Viens dans mon logis
Loge dans ma vie


Dors dans ma loge
Longe ta peau d’or


Fais lit dans mon nid
Féline ma bénie


Nouons nos vies
Vouons-nous nos nids


Mange dans ma main
Mon ange de jasmin


Plonge dans ma candeur
Essange mes ardeurs

 

 

 

 

 

 

 

Intransitives

 

Verse-moi dans ta coupe et bois-moi

Danse-moi jusque ce que transe s’ensuive
Pleux-moi sur tes lèvres Cascade-moi le long de ton cou


Puis neige mon corps de ton feu Moi


Je pharerai tes elfes Vigierai sur ta peau
Maréerai tes rivages Houlerai tes radeaux


J'éboulerai tes spasmes de clapotis subtils


Jusqu'à ce que tous deux
Nous zénithions unis     Afin
Qu’avant qu'on ne nadire


L'on rephénixe ensemble

 

 

 

 

 

Fragrances

 

Tu poitrines ma pensée
Tu aréoles ma peau
Tu lèvres chaud mon cou
Tu arc-en-cielles mon ciel
Tu horizonnes mon âme
Et musiques mes poèmes
Constelles mes ritournelles
     Et textes mes chansons


Et si parfois Toute désinvolture
Tu giboules mes peines    et cataractes mes radeaux
Jusqu'à du funambule Sectionner tous les fils
Le veux te le dire le redire L'écrire
Continûment ma mie     Mon oeil mon azur
De magiques bigarrures
Tu allégresses mes jours
Mer-d’huiles mes esquifs
Et d’ensorceleuses étoiles tisses
Le firmament des alcôves de mes nuits

 

 

Lune d'amants


Deux amants se promirent la lune
Ils virent qu’il n’y en avait qu’une
Aussi la partagèrent-ils en deux


Deux amants eurent chacun une demi-lune
Mais ils s’en étaient promis chacun une
Aussi se chamaillèrent-ils tous deux


L’Être est ainsi fait
     Qui ne s’y fait jamais

 

 

Alcôves


Vivre à deux
     Et se sentir tellement seul

 

 

 

 

De jeux et de guerres


Je belotte
Tu yam's
Il scrabble
Nous rubick'scubons
Vous yhatzeez
Ils meurent


Je m'usulme
Tu serpes
Il croasse
Nous bossnions
Vous herzégovez
Ils meurent


J'Owen sans doute
Tu Vances certes
Il Karadzic à coup sûr
Elle Milosevic sans peine
Nous Morillons à peine
Vous Forpronusez tant
Ils meurent avec bruit
Elles meurent
En silence


Je Clintonne
Tu Boutrosses
Il Majôre
Elle Tâte Cher
Nous Mitterrons
Vous Sarkozez
Ils meurent
Elles
meurent


Je forpronuse
Tu finules
Il onue
Nous minursons
Vous palabrez
À ma-planète
… ils-fou-tent-le- feuuuuuuuuuuu ! !

 

 

 

 

De feux et de guère

 

J’onue
Tu éfèmies
Il g-huite
We are the world
Vous banquemondialez
Ils crèvent


Je riz
Tu riz
Il riz - jaune
Nous cacaons
Vous cafez
Ils crèvent


Je Senghore
Tu Marxes
Il Hutue
Nous Benbarkons
Vous OUez
Ils crèvent


I have a dream
Tu Ghandies
Il Mandela
Nous sociétécivilons
Vous microcrédiez
Ils crèvent


J’ore jaune
Tu ores noir
Il or blanc
Nous diamons
Vous gazez
Ils crèvent


Encore et toujours

 

 

 

 

 

 

 

 

Fortunes

 

Je voudrais à mes adversaires

       Opposer un sourire joyeux Expansif

À mes ennemis S'il en était

       Interposer une fleur

       au bout d'un fusil désarmé

       Composer un bouquet

 

J'y vois une rose

       Rose

Avec un brin de muguet

       Blanc

Un autre de mimosa Jaune

Ajoutez-y un coquelicot s'il vous plait

       Rouge

Sans oublier une rose        Pourpre

Une orchidée Violette

Et quelques brins d'herbe Verte

Pour ensemble nous assoir            Éblouis

De réconciliation Veloutée Satinée

Sous un ciel limpidement Bleu

Fut-il sombre-obscur Gris

Aux géants cumulus Noirs

Sur cette terre cendre et marron Ocre

Y partager un quartier d'orange Sanguine

Sous un soleil doux et chaud Orangé

Un ciel clair et solaire Indigo

 

Et

S'il devait pleuvoir

Alors des gouttes d'arcs-en-ciel

Des camaïeux de couleurs vives et pâles

Des senteurs subtiles et suaves

Des arpèges de do De ré   De fa-sol-la-si-do

 

Et dans le rire-ensemble Souscrire que

       Nos oppositions sont un si rien

       Nos conflits un si peu

       Nos haines un si vain

       Nos rancœurs un si oiseux

       Nos offenses un si odieux

 

Et dans le partager Discerner que

       Épouses compagnons et chérubins

       Et mères et pères et sœurs et frères

       Et voisins et cousins

       Et tant d'amis

       Et d'inconnus

       Et d'inconnues Si bons           Si beaux

       Si belles

       Et qui tous Eux

       Comme vous comme moi comme Elles

N'aspirent qu'à vivre

 

En Paix

 

Epi de blé

 

Sur sa longue tige toute de pudeur élancée, l'épi reposait.

Couleur bonté et parfum or. Or, de la couleur de ses yeux ne me remémore … mais de la couleur de sa voix encore.

Combien de merles et de rouges-gorges s’y ébattaient, combien de sirènes s’y pâmaient ? Combien de notes sublimes s’y distrayaient ?

 

- “Vous pensez : fines mains que celles qui m'ont pétrie n'est-ce pas ? ”.

J'ai pensé : “Flétri l'œil, Madame, que vous n'avez ébloui … c’est bien ça. ”

 

Sur sa longue tige hâlée deux corolles de coquelicots voletaient, qu’un voile de satin blanc dérobait. J'imaginai les sables embarrassés de ses dunes troublées, alors. Je les revois encore, et l'arbre de son corps serti de fruits d'or. D'un zéphyr le galbe et le mors. Le galbe, à cris et à cors.

 

- “Vous me semblez confus, Monsieur”.

- “Votre parfum m'infuse, Madame … ”

 

De précieux et suaves souvenirs vinrent me préoccuper : mon épillet avait sa silhouette et l'exact vertige de sa voix, au creux des joues le même arceau et, de sa robe le teint et du regard l'authentique parfum.

 

- “Mais, dites : à quelle enivrante souvenance Monsieur donc est-il livré ? … ”

- “Médite vos lèvres Ma Dame … combien d'existences auront-elles enivré ?

 

Le velours de sa peau m’avait semblé complice, mais il ne s'est laissé effleurer. Ses lèvres étaient malice mais n'ont daigné se confier.

 

 

 

 

Et je souffrais moi : la faux, l'excepterait-elle la faux ? Elles sont si bêtes les faux. Fauchent la terre et le blé, la mauvaise herbe et le lys …

J'ai pensé : “je vous laisse l'orge et l'avoine, le seigle et le sorgho, prenez tout et faites-en or et diamants, perles et rubis, de grâce emportez tout … mais laissez-moi ce si délicieux épi”.

 

Et je broie encore et je ride déjà : combien grande est ma peur que, demain, ce si charmant épi ne me reconnût pas !

 

- “Vous me supposez là mon ami bien peu de vertu ? … ”

- “Votre vertu, ma Mie, n'osais projeter.

 

Passèrent les heures, advint la nuit. Des étourneaux de sa part vinrent, qu'elle ne craignait les faux m'annoncer.

 

- “Vous devez penser : souverains ces rayons dont ma chair s’est dorée ?

J'ai pensé : “Vaine cette chair mienne Madame, qui ne s'y est égarée”.

 

Elle était sirène incendie, mais non sans quelque suprême ne se voulut qu'épi. Je l’admets à présent : sans doute ne fut-elle qu’utopie ?

 

Une esquisse effaça son sourire et l'atmosphère subitement se fit oppressante de dépit : un importun zéphyr subrepticement survenu emporta mon épi. Et à un cactus asséché me livra ébaubi.

 

- “Hé ! … Là ! … Mon âme, attendez ! »

 

Seulement la retenir j’ai voulu :

       - “Je voudrais vous dire … Madame ! ”.

Mais je sus bien me tenir.

 

Elle, n’eut pas même un sourire.

        … ma Dame

 

A l'ombre des vergers en fleurs

 

Je marchais sur la grève sans encombre

Les vagues clapotaient sous la voûte rubiconde

Qu'un soleil mandarine habillait de pénombre

Elle me suivait là pas à pas Fidèle mon ombre

Ensemble nous émondions les couleurs furibondes

Que sur le sable de verre nous prétendions parfondre

Nous cueillions au ciel ses étoiles rieuses et fécondes

Que dans nos mains joueuses nous échouions à confondre

Quand brusquement une pensée Subreptice Vagabonde :

       La recherchai en vain la traîtresse La vilaine l'immonde      Mais

       À l'évidence je dus     Bien ébaubi me rendre

        : Je venais misérable D'égarer mon ombre

 

Elle m'avait pourtant suivi çà et là Toujours fidèle mon ombre

Sans jamais prendre ombrage ni Jamais me faire de l’ombre

Ne décochait le moindre orage Ne me réprimandait en nombre

Jamais je le jure je n’avais craint qu'elle m’obombre

Fut-ce lorsque de moi-même         … ne fus plus que l’insignifiante ombre

 

Mais me voilà là ce jour Tel un bouquet monandre

Errant seul terrifié Contraint à m'abscondre

Par l'idée affolé que Si l’on nous dénombre

Mon ombre et moi Sans l’ombre d’une ombre

Sommes devenus désormais         Distinctement deux !


 

Oh ce n'est point niaise question de nombre        Et

 … Je ne voudrais me morfondre Mais

Depuis qu'elle s'est dérobée mon ombre

Ma vie est un désert Mon essence s’en effondre

Je rase dorénavant les murs Les sols

À la courir comme une ombre

Sans en oser prendre ombrage

Afin qu’elle ne me gronde

 

Et voilà qu’aujourd’hui passés

Jours et semaines en nombre

Des sables de juillet aux feuilles Mortes de novembre

Je vogue et dors enseveli Sous mes propres décombres

Errant délirant lui chantant

À tue-tête

L’implorant à entendre

Qu’elle me doit de sursoir De jouer à s’abscondre

Que j’en deviens marteau parano schizo

Hypocondre

Qu’elle me pardonne m’absolve

Qu’elle condescende à répondre

D’amour ou d’indulgence de grâce Qu’elle consente à ré-appondre

 

Afin que nous puissions promptement Re-cheminer ensemble

Main dans la main sous midi

Au zénith nous confondre Et

Au crépuscule allongés

De nouveau nous éprendre

 

        … À l'ombre des vergers en fleurs